L'eau régale, dans l'esprit des apprentis alchimistes, résonne d'une façon toute particulière : on pense Eau Royale (aqua regia) comme au bon vieux temps, et on associe l'or à cette pensée.
Revenons à la pratique. Cet acide nitro-muriatique, comme il fut nommé à une certaine époque où l'acide chlorhydrique 'le fumant' s'appelait acide muriatique ou esprit de sel, est tout bonnement le simple mélange d'une mole d'acide nitrique et de trois moles d'acide chlorhydrique. Ce mélange attaque certains métaux grâce à la formation de chlore. L'or se retrouve sous forme de chlorure AuCl4. On pense que la découverte des propriétés de ce mélange peut être attribuée, dès le IXe siècle, à l'alchimiste arabe Geber (Jâbir ibn Hayyân, mort presque centenaire en 815 à Koufa en Irak). À cette époque les proportions variaient légèrement suivant les auteurs. Ce qui fit la renommée de ce mélange vraiment royal, c'est qu'il jouit de la propriété, n'appartenant à aucun de ses deux constituants, de dissoudre les métaux inattaquables par tous les autres acides. Ni l'or, ni le platine, et nous pouvons ajouter le rhodium et l'iridium ne lui résistent. Une bonne eau régale n'attaque cependant pas l'argent, (nous n'avons pas eu l'occasion de contrôler). Si on s'en tient au rapport 3/1 au niveau molaire, il nous faut calculer la proportion en volume correspondante.
Exemple :
En pratique : |
L'échauffement est très faible (pratiquement négligeable dans notre cas), mais nous insistons pour que ce mode opératoire d'usage général qui peut un jour sauver vos yeux vous soit familier.
On verse dans l'ordre, d'abord l'acide chlorhydrique dans le Bécher, puis, ensuite l'eau de refroidissement dans le récipient qui entoure le Bécher (ceci pour éviter la flottaison du Bécher quand il est encore vide), et en dernier l'acide nitrique. Aussitôt faite, l'eau régale sera transvasée dans un flacon coloré et muni d'un rodage graissé. Mais ! CE FLACON NE SERA PAS IMMÉDIATEMENT FERMÉ, car l'interaction des ions demande du temps pour se faire et générer le chlore qui est le véritable agent actif du mélange. On le coiffe d'une feuille de matière plastique (fixée par un bracelet de caoutchouc et percée d'un gros trou d'aiguille), en le laissant à l'extérieur à l'abri du soleil. Après 4 jours au minimum, le dégagement des gaz ne risquant plus de faire exploser le flacon, le fermer, le stocker au frais et à l'abri de la lumière. Si possible, avec des billes de verre, compléter le volume du flacon. Comme tous les produits contenant du chlore, l'eau régale se conserve mal, il est préférable de n'en faire que pour un usage précis. Ensuite, allonger d'eau le reste d'au moins 20 fois son volume avant de neutraliser totalement (pH7) son acidité avec une base. On peut ensuite le passer à l'égout sans polluer. Si vous désirez récupérer de l'or dissous dans l'eau régale, à moins d'opérer par électrolyse, vous aurez votre métal à l'état très divisé. Par exemple, il sera à l'état colloïdal dans une solution de couleur violette si vous le précipitez avec du citrate de sodium ; une lame de zinc le précipitera également sous forme colloïdale. Si vous utilisez de l'acide oxalique ou du sulfate ferreux, vous aurez une poudre brune comme à partir d'une lame de métal.
Uniquement pour information :
Mise en garde importante :
Une manipulation expérimentale pour vous familiariser avec l'eau régale : |
Maintenant que nous avons notre provision d'or pur et sec, nous en reprenons la quantité désirée avec notre eau régale. On surveille (en extérieur) la dissolution du métal, qui est loin d'être instantanée, en évitant d'utiliser l'acide en trop grande quantité. Protéger l'opération de la trop forte lumière, surtout celle directe du soleil, ainsi que des poussières.
Plus simplement, si vous ne désirez pas passer par le stade de l'or purifié sec et désirez le dissoudre entièrement tout de suite, il vous suffit d'ajouter, en acide chlorhydrique, 3 fois le volume de l'acide nitrique employé en dernier lors de l'élimination du cuivre. Ceci vous évitera les rinçages, mais il faudra laisser la réaction se faire pendant quelques jours sans boucher hermétiquement. Verser l'eau régale chargée d'or (elle doit être limpide) dans un vase à décanter, sans entraîner les éventuels fragments d'or résiduels [image7]. Ajouter de l'éther du commerce pharmaceutique, (il vous faudra obtenir une ordonnance de votre médecin car nous nous refusons à vous indiquer la manière, simple mais dangereuse de faire votre éther sulfurique). Utiliser 1/2 fois environ le volume de l'eau régale et retourner 2 ou 3 fois l'ampoule à décanter pour assurer le mélange. La réaction s'effectuant avec réduction de volume, l'ampoule peut rester bouchée. Vous pouvez voir l'or migrer de l'eau régale vers l'éther qui prend une belle couleur. Comme nous ne disposons pas de pénombre dans notre labo, nous avons fabriqué un cache à partir d'une boîte de conserve [image 8]. Dès que la séparation des liquide est bien visible, on vide lentement [image 9] toute l'eau régale, (le bouchon doit bien enterdu être ouvert pendant l'opération). Pour avoir une certitude d'avoir évacué tout l'acide, il est bon à la fin de laisser passer également deux ou trois gouttes d'éther avec l'eau régale. Pensez aussi à retirer l'acide qui peut rester dans le tube de l'ampoule. On se trouve donc maintenant en possession d'une solution contenant le soufre de l'or séparé de l'acide. |
Si vous désirez expérimenter plus avant (expérimenter et non faire de la pharmacie), nous ne vous conseillerons jamais l'absorption de ce type de produit. Nous réservons nos recettes à usage interne à des produits alimentaires courants sans danger.
Donc, il est possible, pour se former aux manipulations uniquement, de faire :
Conclusion. |